Fable 10. La grande faucheuse Un artiste atteint du sida, amer et perfusé, sous triple thérapie et fortes doses d'analgésique, se lamentait de son existence pathétique, geignant sans cesse d'une voix usée. Un jour, n'en pouvant plus des soins palliatifs, il appelle de ses vœux le saut définitif. "Quel plaisir me reste-t-il en ce monde ? Nul n'est autant à plaindre. Je suis devenu une chose immonde et n'ai même plus le goût de peindre. Amis, parents, mécènes, plus personne pour alléger ma peine. Inutile de prolonger, je vais demander l'euthanasie, même si ça doit me coûter un max de fric." Aussitôt il se rend à la clinique, décidé à leur dire : allons-y ! Il obtient de voir son ami et médecin traitant qui s'étonne de sa visite impromptue. "C'est que… commence le malade. Si tu… Si tu… Si tu pouvais m'augmenter la dose de calmant…" La grande faucheuse peut tout guérir, mais nous préférons rester où nous sommes et supporter notre destin d'homme : mieux vaut souffrir que mourir.
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