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 Fable 4. Un travail de qualité.

Un artisan ne possédait plus que son Trafic
 tant les gros bétonneurs l'avaient éreinté. 
 Il croise un contremaître, fort et magnifique, 
 sur un chantier public dont on l'a écarté.
 Se venger du concurrent, détruire son travail, 
 il l'eût fait volontiers, 
 mais l'ouvrier était de taille
 à le découper en quartiers. 
 Il l'aborde donc humblement, 
 bien à propos lui fait compliment
 des beaux outils qu'il manie.
 "Il ne tient qu'à vous, mon ami, 
 d'avoir un marteau-piqueur aussi puissant que le mien, 
 réplique le chef d'équipe au superbe maintien.
 C'est bien simple, déposez le bilan. 
 Car vous tous qui œuvrez à façon, 
 menuisiers, chauffagistes et petits maçons, 
 vous vous épuisez pour des glands :
 rien d'assuré, pas un mois d'avance, 
 et quand on vous paie, c'est à créance. 
 Embauchez donc avec moi, vous aurez de moins longues journées
 et plus aucun souci pécuniaire." 
 L'artisan répondit : "A quelles tâches devrais-je m'adonner ?
 - Rien de plus que ce que vous savez faire, 
 rétorqua le salarié, je m'en porte garant.
 Porter des parpaings, poser du placo, 
 et enduire les joints avec du calicot.
 Discuter avec le client, et parfois flatter le gérant.
 C'est bien peu pour voir son chèque
 tomber sans faille à la fin du mois."
 L'artisan en lui-même se dit : "Finis les échecs, 
 je vais enfin pouvoir m'occuper de moi." 
 Quand soudain son regard frôle un mur,
 porteur mais couvert de fissures. 
 Le contremaître gâche un mortier grisâtre
 qu'il s'apprête à poser en emplâtre. 
 "Que faites-vous là ? – Rien – Quoi rien ? – Peu de chose.
  – Mais encore ? – Voyez-vous, je n'ai ni le temps ni le budget
 de réparer ce mur en traitant la cause.
  – Alors ? – Eh bien, avec les moyens que j'ai,
 je ne peux que masquer et colmater.
 - Mais l'immeuble va s'effondrer si vous procédez de la sorte. 
 Vous ne vous souciez donc pas de sa solidité ? 
 - C'est que… nous travaillons au rendement. Mais qu'importe !
 - Il importe si bien que de tous vos chantiers
 je ne veux pas une miette
 et n'en voudrais même pas pour une vie de rentier."
 Aussitôt, saluant d'un doigt, Maître artisan remonte dans son estafette.
 Vous, grands patrons qui toujours visez la quantité, 
 quand vous pressez vos équipes pour gagner plus de fric,
 songez qu'il n'est plus grand bonheur que la qualité
 d'un travail fini et dont le temps dira : magnifique ! 

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